Amour de plaisance

« Les Mouettes ont pied ! » dit-on lorsqu'on échoue lamentablement son canot pour avoir, une fois de plus, oublié d'arrondir une pointe ou de prendre un pied de pilote. Danger isolé ou marnage mal maîtrisé ne sont hélas pas les seuls écueils à éviter dès que l'on appareille !

Estime aléatoire, conversations de bord acides et mots qui fâchent, pantalons ou pull-overs hydrophiles, grands pourvoyeurs de nausées, titanesques programmes de navigation oublieux des courants et vents contraires, incivilités de quai ou de mouillage, pagailles de drisses et d'écoutes, capharnaüm de carré, équipages de contrebandiers, arrogant matelot « je sais tout », skipper garde-chiourme ou donneurs de leçon, cuisiniers velléitaires, avitaillement bâclé, cave de bord épuisée, manoeuvres approximatives, voilà d'autres récifs qui, si l'on n'y prend garde, mèneront la plus savoureuse des croisières vers Charybde ou Scylla, avant de sombrer vers l'enfer.

Mais les mouettes peuvent également s'échouer dès que l'on oublie de prendre soin de son bateau, ou de respecter certaines traditions que tout marin vénère : saluer modestement les grains et ceux que l'on rencontre, aider, porter assistance, anticiper, aimer la mer comme elle vient sans jamais rien lui reprocher, honorer le canot sur lequel on embarque, son pavillon, son patron et tout son équipage.

C'est à travers tous ces écueils que Jean Mauviel et Jean-Pierre Arcile nous invitent à louvoyer en nous rappelant, avec humour, quelques « petits riens » qui matelotés bout à bout, dessinent une « manière d'être en mer » et font la différence entre galères plaisancières et bonheur de naviguer.

« Une manière d'être » qui, à chaque fois qu'on appareillera, fera éclore le plaisir de bourlinguer et mentir ces esprits chagrins pour qui il n'existerait que deux dates heureuses dans la vie d'un yachtman : le jour où il acquiert son bateau et celui où il parvient enfin à le vendre.