Jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans, John Berger ne se considérait comme rien d'autre qu'un peintre. Il était entré aux Beaux-Arts de Londres en 1946, à vingt ans. Il s'est ensuite vu bombarder, dès ses débuts de journaliste, chef de file de la critique d'art marxiste. Son livre Voir le voir (Ways of seeing), à la fois essai et série documentaire pour la BBC, l'a rendu célèbre. Il reste la bible de bien des graphistes et théoriciens de l'image. Mais l'homme continue d'être à l'affût de toutes les mutations qui se produisent à la surface du globe. Il a beaucoup écrit sur l'exil, les migrations, les déplacements de population, qu'il a perçus très tôt comme un phénomène essentiel du XXe siècle, et sur leurs implications philosophiques. Lauréat du Booker Prize, il utilise la moitié de la somme reçue pour réaliser, en collaboration avec le photographe suisse Jean Mohr, un livre sur les travailleurs immigrés en Europe : Le Septième homme, qui paraît en 1976 chez Maspero. L'autre moitié de son prix, il l'offre aux Black Panthers, ce qui fait scandale... Il écrit aussi des scénarios de cinéma en collaboration avec le réalisateur suisse Alain Tanner : La Salamandre, Jonas qui aura 25 ans en l'an 2000... Puis il s'installe dans un petit village de Haute-Savoie, où il vit encore aujourd'hui : «Je voulais apprendre un certain nombre de choses sur la vie rurale dont j'étais ignorant. J'y suis allé sans aucune illusion : je savais que c'était un univers très dur.» Pendant quinze ans, il en sort à peine. Il écrit une trilogie de fiction sur le déclin du monde paysan.
Jean Mohr est né à Genève le 13 septembre 1925. Ses parents étaient d'origine allemande - la famille a obtenu la nationalité suisse en 1939. Son père exerça la profession de traducteur durant 20 ans au Bureau International du Travail, puis au Comité International de la Croix-Rouge. Dans cette famille de six enfants, Jean est le troisième. Il fait ses études à Genève et termine par une licence ès sciences commerciales. Après un bref passage dans la publicité, il quitte l'Europe pour le Moyen-Orient où il travaille pour le compte du CICR. Sa tâche : gérer le problème des réfugiés palestiniens dans les différents camps de la région. Après deux ans, c'est le retour en Europe. Il se rend à Paris pour réaliser un vieux rêve, devenir artiste dans le domaine des beaux-arts. Mais au bout d'un an, il renonce à la vie de bohème et opte pour la photographie. Il a alors trente ans et apprend les rudiments du métier en se lançant dans la photographie de presse. Ses photos sont publiées, tout d'abord localement, puis dans des magazines suisses et étrangers. Parallèlement il collabore activement avec des institutions internationales, ce qui l'amène à un grand nombre de voyages aux quatre coins du monde. Pour tenter d'échapper à l'aspect précaire des publications dans la presse, il se recentre sur la réalisation de livres, notamment avec l'écrivain John Berger.
En 1956, il se marie avec Simone Turrettini, licenciée ès sciences, qui deviendra par la suite réalisatrice à la TV Romande. Ils ont eu deux fils. L'aîné, Michel, enseigne le bouddhisme zen à l'Université Hanazono, à Kyoto. Le second, Patrick, a choisi le théâtre pour s'exprimer, en qualité de comédien et metteur en scène.
Aujourd'hui encore, Jean Mohr exerce toujours le métier de photographe, avec la même passion.