Aurores des lichens

Sobres sur leurs parois. Se survivant toujours. Endurant toutes les vicissitudes des saisons et climats. Accomplissant leurs vies circulaires ou ramifiées hors du temps et de ses lignes de fuite. Toujours voués à une vie native. Enchevêtrés comme des forêts d'avant l'Homme. Auréolés comme des cités utopiques. Singuliers comme des masques peints avant ou en deçà du geste qui aurait pu les peindre. Nouant une communauté d'espèces jusque dans leur simplicité la plus irréductible.

Qui mieux que les lichens pourrait nous sembler exemplaire de terrestres aurores ?

Et qui mieux que Gérard Freitag aurait pu donner à voir cette « vie native avant l'homme » sans que ce dernier soit pour autant exclu de ses Aurores ?
Et quel oeil plus averti, tout aussi attentif au moindre détail et pareillement respectueux de l'infiniment vivant, que celui du photographe Olivier Klencklen aurait pu si harmonieusement épouser le regard du poète ?
Une vraie rencontre qui fait résonner un subtil miroir d'échos.
Albert Strickler

Car il faut commencer par l'hiver
Sa blancheur habitée de ce qui n'est pas encore intention mais quelque chose avant dans les cristaux les limbes fragiles étoilés qui fondent sous des haleines ou peut-être du vent ou qui veillent peut-être dans un pays sans vent et sans haleine sans odeur sans couleur mais ce qui vient avant comme une empreinte diffuse une attente un accroupissement dans les halos le cocon de la neige

Commencer par l'hiver

Ses incertains visages

Restées dans leur oubli ou devenues comme celles des autres

Sur d'autres places dans d'autres villes ses enfances d'histoires