Autopsie du mal

Pierre CLAUDÉ

AUTOPSIE DU MAL

Dieu est un concept. Le pivot de toute gamberge. Pivot. Imaginons une roue qui tourne. Un point, sur cette roue, tourne à une certaine vitesse. Si l'on déplace ce point vers le centre, il tourne moins vite, et, plus il se rapproche du centre, plus faible est sa vitesse. Où est la limite ? Existe-t-il un point où la vitesse est totalement nulle ?

On n'en finirait pas de réfléchir sur ce qu'est l'infini. Soit l'équation 1/ ...= 0. Elle est à première vue paradoxale. Que l'on divise 1 par n'importe quel nombre, on obtient un quotient, si petit soit-il. Si, par exemple, on divise 1 par 999 à la puissance 999 (les ordinateurs peuvent le faire), on obtient encore du nombre, un nombre infinitésimal. Mais si le diviseur est ..., il n'y à plus RIEN. Donc ... n'est pas un nombre. C'est un signe sans référent, un monstre.

Chacun d'entre nous, à un moment quelconque, a eu envie de tuer quelqu'un d'autre. Peut-être pas "chacun", cela peut se discuter, mais enfin l'envie de tuer est au coeur de l'Homme, bien cachée, maîtrisée la plupart du temps, car la société l'interdit ses lois, ses gendarmes. Sa morale aussi, tuer, cela ne se fait pas. Ce n'est pas bien vu. Le mot lui-même fait peur, même aux tueurs professionnels. Les militaires "neutralisent" leurs adversaires, les truands "gomment", "liquident", ou "effacent" les leurs. Et l'amateur de vendetta se garde bien de dire qu'il est un assassin, il se proclame "bandit d'honneur".

Je rêve en regardant par ces maigres fenêtres la cime des arbres que le vent agite. Les feuilles et les branches dansent follement dans la lumière. Je suis sûr que, comme nous, ces arbres connaissent le bonheur - ou le malheur - de vivre. Je suis sûr que ces arbres-ci sont heureux et libres, et le savent. Heureux parce que libres. Libres parce qu'heureux.