Bouz'louf !...

Et le mulet du temps nous dépose bagages et paquets, c'est Orly troupeau de monde. On regarde partout, on a pas assez d'yeux pour voir tout, on cherche et on sent presque le souffle de notre père, il est pas loin maintenant qu'on est tout près. Nos pieds des montagnes marchent au ralenti dans des couloirs propres, vitres, brillage tapis d'ascenseurs portes-toutes-seules-oulah-qui-s'ouvrent. On va voir votre Baba Bouzid qui attend dans le "hol".

-Tiens rigarde là-bas, c'est Baba Bouzid qui sourit, riigaarde ! ...

On regarde de toutes nos forces et voit plein de baba hommes et femmes qui sourient pareil que notre père qu'on voit pas. Ma mère aussi elle regarde, elle voit rien.

- On voit rien cousin, rien, walou !

- Ti vois, ti vois l'manteau crèème cafi, à côté du kif-kif manteau cafi-crèème kif-kif, et ben c'i loui.

On voit, mais on voit que du café, et deux crème-manteaux qu'on sait pas lequel qui se décide à être notre père. Même ma mère elle sait pas lequel choisir. On suit notre Parfum Mohande, et d'un coup, comme une gifle qui fait du bien, on est capturés, embrassés, et de bras en bras on va d'un quelqu'un à un autre quelqu'un. Une moustache passe sur nous, une bouche caresse sur les cheveux, et tout de suite on a reconnu le rêve du figuier : mon père l'absence qui finit ici.