Charles Bernardin, figure emblématique du Grand Orient de France

Une Lorraine en première ligne, avec sa mutilation encore toute proche, les années 1900, sur fond d'affaire Dreyfus, des combats pour une République longtemps improbable, une laïcité toute neuve et l'éclosion de l'Art Nouveau. Une ancienne confrérie artisanale, muée en avant-garde politique et, plus timidement sociale, la franc-maçonnerie du Grand Orient de France. Et un rentier voltairien, courageux et vindicatif, dont la personnalité est beaucoup plus complexe que ne le croient certains : Charles Bernardin.

D'abord notaire, initié en 1892 à la Fraternité Vosgienne d'Epinal, son aisance matérielle lui permet de devenir, à Nancy, Vénérable à plein temps de la loge Saint-Jean de Jérusalem. Il jouera jusqu'à sa mort un rôle de premier plan au sein du Grand Orient. Peu soucieux d'une réconciliation avec les frères allemands, il en sera pourtant l'artisan opiniâtre avant et après la Première Guerre mondiale. Il n'attend pas le J'accuse de Zola pour devenir dreyfusard et s'oppose avec éclat à l'antisémitisme en loge. Juge de paix à Pont-à-Mousson, il décroche le crucifix de la salle d'audience et le remplace par un buste de Marianne. Son souci de défendre la République le fait se transformer volontiers en procureur dans la fameuse affaire des fiches ; après le sac du Temple de Nancy, riposte cléricale à l'inventaire de la cathédrale en 1906, c'est lui qui se porte partie civile. Il a créé l'hebdomadaire Pour la République, organisé la Ligue des droits de l'homme, la Libre pensée, la Fédération républicaine de Meurthe-et-Moselle. Il écrit avec autant de compétence sur les champignons que sur l'histoire de la franc-maçonnerie.