De la droite de salon

Les intellectuels de droite se donnent rarement pour tels. Ils sont écrivains, journalistes, professeurs, érudits locaux, quelquefois histrions, mais se veulent seuls en leur ouvrage, sans aveu d'une appartenance. En cela se distinguent-ils d'emblée des intellectuels de gauche, qui ne tardent jamais à revendiquer cette double qualité avec les affinités qu'elle suppose.

Or les uns comme les autres s'abusent.

Les seconds, qui ne rêvent que d'une humanité réconciliée, ont pour principale expérience depuis le XIX^e siècle d'avoir tout éprouvé de l'impuissance et de sa solitude.

Les premiers à l'inverse, si jaloux de leur indépendance, menacent à tout propos de se retirer sous leur tente, mais vont la planter toujours au même endroit, où ils se retrouvent joyeusement autour du même feu de camp.

Autant de liens et de mœurs partagées. Visitons-les. Derrière ces Caractères et dans ce jeu de pistes, le lecteur reconnaîtra quelques figures obligées des lettres parisiennes, Jean Dutourd parmi les Ronchons, Geneviève Dormann, Yves Berger, Vladimir Volkoff, Patrick Besson... Et verra à l'œuvre maints soutiers de la presse libérale-conservatrice, qui tirent inlassablement à la ligne pour une moindre gloire mais un égal mérite, et sans lesquels ceux-là ne seraient peut-être rien.

L'intimité professionnelle qui les réunit est révélatrice du siècle commençant... ou des petitesses d'une caste qui n'en finit pas de finir.

Antoine Spire