De quoi l'architecte est-il l'auteur ?

L’avantage des bons livres, particulièrement en sciences humaines, c’est qu’ils vous « remettent les idées en place ». De ce que je pouvais observer depuis près de 30 ans, j’avais fini par voir l’architecte à travers deux catégories, 1- le ou la stararchitecte, comme une des multiples « huiles de moteur » de la dernière évolution du capitalisme ; 2- l’architecte comme simple variable d’ajustement dans la chaine de production de la ville dont on pourra se passer d’ici quelques années, si ce n’est pas déjà le cas. Alors bien m’en a pris d’ouvrir le livre de Jean-Louis Violeau et ce pour deux raisons (la lectrice ou le lecteur en découvrira bien d’autres évidemment). En choisissant la figure et le statut de L’AUTEUR avec tout ce que cela peut comporter de complexité, ce livre propose en creux une véritable sociologie, extrêmement dynamique et accessible à toutes et tous, de l’architecte voire de l’architecture. Rien ne va lui échapper et franchement pour comprendre ce métier dans la séquence du XXe et de ce début du XXIe siècle, cet ouvrage est déjà une référence. Mais ce qui fait aussi (et peut-être surtout) la force de ce livre, c’est qu’à travers ce sujet précis, c’est tout le champ de la création et de la production artistique qui est interrogé et analysé (littérature, cinéma, poésie…) car Jean-Louis Violeau a pleinement conscience que « vivre de son art » ne va jamais de soi et d’ajouter : « S'intéresser à l'auteur en architecture permet ainsi de mettre à jour le fonctionnement d'un univers artistique et culturel qui, en l'absence de cette fragile figure, se retrouverait totalement préempté, sinon gouverné, par les seules logiques du BTP financiarisé et de la promotion immobilière. » Comme vous le voyez, Jean-Louis Violeau n’est pas de ceux qui siffleront la fin de la partie et au regard de ce travail remarquable qu’il nous propose, on a plutôt envie de l’accompagner dans ce sens. Une saine et bonne lecture tout simplement.