Fiche technique
Format : Broché
Nb de pages : 80 pages
Poids : 225 g
Dimensions : 16cm X 18cm
ISBN : 978-2-915694-63-5
EAN : 9782915694635
Denise et Maurice, dresseurs d'épouvantails
Quatrième de couverture
Dans l'Aubrac un couple de paysans continue à travailler la terre selon d'anciennes traditions. Parallèlement, depuis une vingtaine d'années, Denise et Maurice consacrent une partie de leur temps à créer et à dresser autour de leur maison quelques centaines d'épouvantails. Sur ce qui est ainsi devenu un «site d'art brut», chaque mannequin sculpté possède un aspect et un caractère qui lui sont propres.
Au fil des saisons, le film raconte cette expérience humaine insolite qui voit, en marge de la société moderne, un espace rural être transformé peu à peu en terrain d'intervention artistique par ceux-là mêmes qui le travaillent et y vivent.
Adoptant un mode narratif plus impressionniste que didactique, la démarche documentaire se nourrit ici d'une approche poétique où images, sons et musique, contribuent à dévoiler créatures et créateurs. Le film laisse ainsi percevoir par petites touches la magie d'un univers onirique foisonnant. Il s'impose alors cette évidence que la réalité peut aussi être faite de la matière dont les hommes la rêvent.
Contraints à une production intensive, la plupart des paysans n'ont plus le temps de s'adonner à d'autres loisirs que ceux des citadins salariés. Si jusqu'au milieu du siècle dernier, ils avaient pu être dépositaires de traditions d'art populaire originales, ils ont fini, comme le reste de la société, par être réduits à la condition désincarnée de l'homme moderne : consommateurs standardisés plutôt que créateurs de singularités. Denise et Maurice, vivant sur les contreforts de l'Aubrac, se sont pris au jeu de la création. La démarche de ces auteurs d'une installation d'épouvantails témoigne d'un goût de la liberté et de la singularité devenu rare aujourd'hui. Elle est également l'expression ludique et instinctive d'une poésie originelle, qui a déserté l'art contemporain, devenu trop désincarné et séparé de la vie. De l'action directe, en quelque sorte, appliquée au domaine de la création. Ce livre est le récit de la rencontre entre son auteur, par ailleurs documentariste, et ces créateurs : intrigué par la manière insolite dont ils s'approprient le monde en s'appropriant d'abord leur environnement immédiat, l'auteur finit par leur proposer de réaliser un film qui en rende compte.
La Petite Brute vise à faire découvrir aussi bien l'art dit «naïf» ou «brut» que certaines formes d'art populaire insolite d'hier ou d'aujourd'hui, parfois revendiquées actuellement sous le terme d'«art modeste». De l'art certes, mais sans artistes - au sens où ce mot désigne aussi une caste à part.
Cet art de l'immédiat présente aux regards une osmose exemplaire entre l'intelligence instantanée des phénomènes vitaux et sa transcription plastique - car sachant trouver les raccourcis les plus directs entre expression et perception. Ses multiples apparitions (poésie naturelle, art brut, naïf, modeste, architectures et environnements d'autodidactes, poésie involontaire des inscriptions fautives ou simplement bizarres, graffiti, violons d'Ingres populaires, inventions loufoques...) se déploient le plus souvent à mille lieues des médias et du marché.
Les noms des créateurs méritant d'être signalés par La Petite Brute sont donc le plus souvent inconnus du public. Leurs créations parallèles sont néanmoins tout aussi inventives que celles des artistes reconnus, parfois bien davantage. Admettre ce fait implique un bouleversement du regard propre à entraîner une rupture avec l'organisation sociale dominante - tant ce libre rapport à la création est étranger aux triomphantes idéologies de la rentabilité.
Ces arts de la plèbe, riches en possibilités de dépassement, participent donc de la résistance à la standardisation de l'espace public ou privé ; ils sont aussi un contrepoison à l'accaparement asphyxiant de la création par le commerce et la spéculation.