Fiche technique
Format : Broché
Nb de pages : 317 pages
Poids : 390 g
Dimensions : 14cm X 22cm
ISBN : 978-2-296-05309-0
EAN : 9782296053090
Eloge palimpseste
Quatrième de couverture
Éloges palimpseste
Une chose fascine, lorsque l'on débute la lecture de Saint-John Perse : l'unité, cette impression, au fil de l'oeuvre, d' « une seule et longue phrase sans césure à jamais inintelligible » (Exil, III). Seul Eloges, premier recueil publié, contrevient au sentiment général. Certes, de tous les poèmes, c'est celui qui répond le moins à la vocation ontologique qu'entendait donner Saint-John Perse à sa poésie : « Mon oeuvre, tout entière de recréation, a toujours évolué hors du lieu et du temps (...) elle entend échapper à toute référence historique aussi bien que géographique (...) à toute incidence personnelle ». En dépit des multiples éditions qui gommeront le réfèrent antillais trop explicite, le recueil liminaire des Oeuvres Complètes de la Pléiade se donnerait plutôt à lire, en effet, comme un poème fortement ancré dans un temps et un lieu - voire comme un poème « autobiographique » - célébrant une enfance créole dans la Guadeloupe de la fin du XIXe siècle.
Et pourtant, non seulement les critères stricts de l'écriture de soi ne résistent pas longtemps à l'analyse du recueil, mais encore la nostalgie - la tonalité dominante - opère, au fil des différents poèmes et de ses mues stylistiques, une profonde alchimie d'où la Guadeloupe ressort transfigurée, et dessine les lignes d'une poétique déjà ontologique, dans laquelle l'Enfance se découvre le parangon de l'Être.
Par ailleurs, l'étude des Lettres de Jeunesse met au jour l'existence d'une profonde incertitude, au moment de l'écriture du recueil, de même que d'une tension qui, contredisant l'ambition nostalgique du poème, vient prendre le contre-pied de la précédente lecture en dévoilant une autre urgence que celle du retour chez le jeune homme : la nécessité, impérieuse, de quitter l'enfance. Au point qu'Éloges n'apparaît plus, à maints détails ensevelis, comme un poème de l'enracinement, mais de l'émancipation - et témoigne d'une démarche ontologique inverse de celle qui était associée à la nostalgie, où il convient de « naître à soi » dans une solitude à la fois fondamentale et ombrageuse qui laisse présager l'oeuvre à venir.
Bien plus, si de nombreux critiques ont su montrer comment, dans chacun des poèmes qui suivront, l'appel de la Guadeloupe demeurera ardent. Éloges constituerait même l'hypotexte à partir duquel l'oeuvre entière ne cesserait de s'écrire, le recueil tournant assurément autour de quelque chose de trouble, que les Antilles paraissent voiler, comme masquer - persiennes à plus d'un titre - quelque chose que le premier poème tout à la fois convoquerait et révoquerait, produirait et recouvrirait, quelque chose d'irrésolu qui serait la véritable « grande affaire » de la vie du poète, et qui se diffracterait, ensuite, dans le reste de l'oeuvre.
Eloges palimpseste.