Heidegger de l'intérieur

Lorsqu'il mourut, on considéra en France que la nouvelle devait être annoncée au journal de 20 heures : c'est dire l'importance qu'on lui accordait en ce pays où l'intérêt qu'il suscite s'est exprimé de multiples façons.

On s'évertuera ici à le comprendre de l'intérieur, à partir de ce qui explique l'ambiguïté de son destin. Ainsi, en suivant le fil rouge de quelques notions clés fournies par sa langue maternelle, voit-on un enfant de la campagne (Heimat) devenir un Allemand de son temps, porteur d'une virulence, le Deutschtum, un «esprit» qui pour autant chez lui se cherche (le Geist en ses contradictions). «Penseur» doublé d'un artiste, selon la recette classique de la Dichtung und Wahrheit, il se veut en quête de l'Estre inaccessible autour duquel tourne sa poésie nostalgique. L'attrait exercé par une personnalité fascinante sur des esprits fascinés est à lui seul stupéfiant : Verführer. Il se réclame pour finir d'une notion eckhartienne, la Gelassenheit, où l'on démêlera l'authentique de l'imitation. Il achève pour finir, au-delà des Holzwege, à l'ombre d'un clocher déclaré «mystérieux».

Déconcertantes aspirations ? Il convient de restituer la cohérence intérieure d'un tel itinéraire. Porté aux nues par les uns, tenu en méfiance par d'autres, Heidegger alimente une interrogation justifiée. Il mérite à tout le moins l'approche originale d'une voie appliquée ici à découvrir du dedans les avatars de son héros.