Imaginaires technologiques

Imaginaires technologiques

« Il n'y a pas d'alternative » dit TINA, l'imaginaire institué qui verrouille le futur. Triste nouvelle. Heureusement, elle ne vient pas seule : d'autres imaginaires, instituants ceux-ci, pourraient, pourront rouvrir l'avenir.

C'est que des imaginaires technologiques, il y en a tant. Parmi lesquels : une « manufacture moléculaire », des « biobriques » comme de LEGO, la réécriture de l'ADN et l'OUGEPO (cf. l'OULIPO), l'Atomium, le reprisselator, le nanoDraster, ou encore un foie amélioré par manipulation génétique dans le but de résister au gin (bonne ou mauvaise chose ?). On pourra aussi évoquer dans un même mouvement les Smart (phone, city, etc.) et le dieu Theuth, ou montrer comment les « imaginaires institués de l'écriture » et les « imaginaires instituants du graphe » peuvent exprimer le Web. On pourra se demander si les images qui illustrent les discours sur l'IA - par exemple des images de visages androgynes bleus et blancs composés de particules numériques - ne sont pas trop peu « pensives ». Et encore imaginer un projet de Welfare numérique, de Webfare en somme, au sein duquel apparaissent Dieu et un rasoir à sept lames - pourquoi pas ? Cette traversée des imaginaires proposera aussi d'examiner une gravure de Dürer qui représente un dessinateur utilisant un perspectographe : occasion, aussi inattendue que belle, de méditer la tâche de « travailler pour la forme » à l'heure des appareils numériques. Pour finir, on écoutera une histoire : une histoire où l'on croise Gagarine dans son vaisseau spatial et des addicts aux annonces immobilières sur le Web qui en viennent à habiter les écrans.

On ne peut pas partager, distinguer - entre la représentation et l'opération, le rationnel et l'imaginaire (irrationnel, bien sûr), le réel (réel, bien sûr) et l'imaginaire (illusoire, bien sûr) - non, on ne peut pas : les imaginaires technologiques sont à l'oeuvre.

« La gravure d'Albrecht Dürer (infra, p. 195) m'a rappelée une question que je me pose souvent lorsqu'il s'agit d'illustrer un texte : dois-je en faire une transcription ou bien dois-je proposer une création à partir de ma propre lecture ? Pour Imaginaires technologiques, j'ai choisi de mêler ces deux approches. Neuf créatures, ou une seule, illustre l'ouvrage ; dans différentes positions, gênée, tordue, elle ne prend jamais la forme exacte et les proportions d'une personne humaine, elle n'est pas monstrueuse dans le sens de terrifiante, ni ne possède d'attribut qui peut la différencier d'une autre. Elle manipule un écran ou bien une forme qui définit son espace et la place qu'elle occupe. La créature envahit, plie, dépasse et surmonte tout.

C'est une image récurrente dans mon travail qui me permet, en me basant sur des croquis d'observation, de déformer une réalité. »