Introduction à l'interprétation du rêve de Freud

«Je n'ai aspiré, durant mes années de jeunesse, qu'aux connaissances philosophiques», écrit Freud en 1896, «et maintenant, je suis sur le point de réaliser ce vœu en passant de la médecine à la psychologie». Prenant donc le contre-pied d'une tradition d'exclusion qui a rejeté la Traumdeutung parmi les écrits scientifiques (ou prétendus tels), Pierre-Henri Castel montre en quoi les énigmes du rêve et de l'hystérie sont bien de part en part philosophiques, et qu'à ce titre, le maître-ouvrage de Freud s'inscrit dans la lignée des «traités de l'entendement humain» qui, de Locke et Leibniz jusqu'aux notes de Wittgenstein sur la philosophie de la psychologie, ont proposé de profondes analyses du concept d'esprit.

Ce commentaire est le premier, en français, à s'attacher à la restitution systématique de l'argument, tâche rendue toujours plus nécessaire par la virulence des polémiques autour de la psychanalyse, dont la Traumdeutung fixe le cadre théorique, mais aussi pratique. Le souci de donner une explication causale et inconsciente à des significations et des motifs d'agir dont l'intentionnalité parait, en outre, exiger la conscience, conduit en effet au cœur des débats de la «philosophie de l'esprit» contemporaine et du naturalisme cognitiviste. Dans le sillage de ces problèmes, dont le rêve met en valeur nombre d'aspects plastiques et subjectifs, surgissent alors les questions classiques touchant la scientificité de la psychanalyse, le rôle de la suggestion et de l'hypnose dans la collecte et le traitement de ses données cliniques, puis la nature de l'effet thérapeutique allégué par Freud. L'enquête est menée jusqu'à l'élucidation du statut crucial des concepts moraux en psychanalyse, et des prémisses de l'anthropologie freudienne.