Jeu, dette et répétition

«Lacan s'est éprouvé à la tentative de rendre compte de la cure psychanalytique en termes de stratégie des jeux, y compris - j'attire votre attention là-dessus - avec ses commentaires sur la discussion pascalienne concernant la règle des partis. Cette correspondance avec le chevalier de Méré, quel intérêt cela peut-il bien avoir? Au fond, c'est très étrange, peut-être pourrions-nous estimer que vis-à-vis de l'Autre, du grand Autre, nous n'avons jamais terminé tout à fait la partie, que c'est une partie entamée et qui n'a jamais été conclue. Peut-être que si nous l'avions conclue (mais allez savoir ce qu'il aurait fallu miser de plus!) aurions nous obtenu le gros lot, la félicité. Cette règle des partis aboutit à ceci: finalement, la part qui revient à L'Autre et celle qui revient au sujet restent une question essentielle. Qu'est-ce que je dois à l'Autre, à quoi dois-je renoncer, quelle est la mise que je dois engager pour bénéficier du plus grand bonheur? Eh bien, cette part pourrait relever d'un simple calcul dans cette partie interrompue que je joue avec lui; puisque je suis en droit de penser qu'elle n'est pas venue à son terme - du fait que j'existe. Ce serait donc beaucoup moins un problème moral qu'un problème de calcul. Ça se calcule et c'est là quelque chose qui vient singulièrement reprendre et démentir le fameux Pari. Cela ramène l'Autre à n'être finalement lui-même que calcul. Ce qui réintroduit cette question qui nous a hantés tout le temps, celle de la place de la subjectivité dans l'exercice de la règle. Le sujet est-il définitivement calculable? Auquel cas, bien évidemment, non seulement il ne dispose d'aucune, ce que l'on appelle pompeusement «liberté», mais il n'est que le strict serviteur d'un calcul qui le mène, d'un chiffre qu'il ignore, le sien, et qui l'agite.»