Fiche technique
Format : Broché
Nb de pages : 170 pages
Poids : 246 g
Dimensions : 14cm X 21cm
ISBN : 978-2-86231-529-4
EAN : 9782862315294
Journal intime du capitalisme
Quatrième de couverture
Journaliste de gauche dans la presse de droite, rêveuse dans un monde de flux tendus, la narratrice raconte le travail quand il se fait piège. Elle voulait écrire dans le journal, elle découvre que le journal (ou le capital) lui impose sa langue. La voilà réduite aux réticences, aux révoltes secrètes d'une vie à contrecoeur. Dans ce piège, nous sommes nombreux aujourd'hui à être pris. Comment en sortir ? Déjà, le décrire. À la première personne.
« 15 novembre 2008. Tu as rendez-vous avec Pascal Lamy ce samedi matin à neuf heures. Directeur de l'Organisation mondiale du commerce, on le surnomme alors « Monsieur Monde ». De cette rencontre tu devras rendre compte en deux pages, 5500 signes espaces compris, pour le magazine qui t'emploie. La rubrique où sera publié l'article s'appelle « Rencontre ». C'est un mot prometteur. Il ne tient généralement pas ses promesses, tu as déjà fait pour cette rubrique d'autres « Rencontres » de 5500 signes qui ne t'ont laissé aucun souvenir, ni à toi ni sans doute à personne, comme nulles et non advenues en dépit de leur présence vérifiable sur Internet, vérifiable même, pour qui s'aviserait de chercher un jour les exemplaires anciens du journal papier, dans les archives scrupuleusement conservées à la Bibliothèque nationale pour quelque inconcevable usage futur. Mais cette fois-ci, cette rencontre-ci, penses-tu (comme si tu étais amoureuse), ce sera différent. Tu n'as pas tout à fait tort puisque quinze ans après tu t'en souviens encore, tu gardes de ce samedi matin un souvenir sans doute ineffaçable, pour toujours et à jamais tu te souviendras de Pascal Lamy dans la lumière vive et grise d'une sorte de jardin d'hiver. »
« Au tournant du siècle, j'ai commencé à travailler dans des magazines économiques. Je menais une vie double. Chaque jour de la semaine je rédigeais des articles pour un journal dont la ligne éditoriale reflétait assez fidèlement les idées du Medef. Le soir je lisais, entre autres, les livres de Jacques Rancière ou d'Annie Ernaux qui, pour le dire vite, en sont absolument éloignés. Je tentais ainsi plus ou moins de défaire la nuit ce que la journée (le journal) avait tissé en moi. Au fil des ans, l'écart ne faisait que grandir. Il fallait bien se rendre à la réalité visible et vérifiable : chaque jour j'écrivais dans ces journaux-là une histoire dont je ne voulais pas et qu'ainsi, à ma mesure minuscule, comme beaucoup de gens, je contribuais à faire advenir. Car je n'étais pas seule à agir ainsi bizarrement à rebours de moi-même ».