L'ami Judas

Jésus a la grippe. Il a enroulé un châle autour de son cou et de la tête pour se protéger du vent froid qui descend de la montagne. Il va son chemin, emmitouflé dans son manteau. Aujourd'hui, il est de mauvaise humeur, ce qui lui arrive de temps en temps, et dans ce cas il se tient à l'écart des gens. Alors, ce matin, il est allé retaper la bergerie de Samuel.

La nuit sera longue dans le cachot froid et humide. Ce soir ils sont nombreux, peut-être une dizaine d'hommes, alignés les uns contre les autres, debout dans ce réduit qui pue l'angoisse. Judas reconnaît ses copains d'hier... Il sait que la prudence exige de ne rien dire, que les Romains, à l'écoute derrière la petite ouverture de la porte du cachot, pourraient entendre ! Il sait que les soldats entreraient immédiatement et que les interrogatoires violents reprendraient. Alors, chacun se tait.

J'ai un peu cherché le gamin, envie de faire sa connaissance, je l'ai retrouvé, toujours seul avec sa brebis et ses deux agneaux. Il hochait la tête inlassablement en disant « mais qu'est-ce qu'ils avaient de spécial mes pains... ? » Nous avons échangé deux ou trois mots, presque rien. J'ai voulu lui dire que ce n'étaient pas ses pains mais Jésus qui était spécial ! Il m'a juste répondu : « Laisse-moi donc tranquille, tu n'as rien compris ! » Alors je l'ai laissé !