Patrimoine effacé

L'effacement est inévitable dans le domaine de la conservation du patrimoine, bien qu'il semble devoir s'opposer à la notion même de conservation. Le patrimoine n'est pas destiné à rester figé, il évolue, se réinvente, se reconstruit sur lui-même. La restauration, qui a pour but la préservation de ce patrimoine, est aussi un effacement malgré tout : l'objet disparaît provisoirement à la vue des visiteurs, à l'instar de ce casque en ardoises, chef-d'oeuvre de compagnon couvreur qui a quitté récemment le parcours du musée du Compagnonnage pour rejoindre un atelier de restauration. Les traces et stigmates du temps seront effacés ou atténués par l'intervention du restaurateur, bien qu'aujourd'hui il s'agisse d'abord de les stopper, plus que de les faire disparaître. La « dé-restauration » effacera aussi et surtout les erreurs du passé. Tout en laissant aux générations futures la possibilité de dé-restaurer à nouveau, entraînant un nouvel effacement d'une étape de son histoire. Ces interventions successives seront documentées pour comprendre l'histoire de l'objet, mais visuellement il apparaîtra comme dans un état « proche » de l'original, malgré les effacements qu'il a pu subir, tel un palimpseste. En somme, et paradoxalement, un perpétuel recommencement, pour tenter de transmettre le patrimoine tel qu'il fut.