L'enjeu Machiavel

Pourquoi lit-on Machiavel aujourd'hui ? En quoi son œuvre, conçue dans une autre époque, selon d'autres catégories et en vue d'autres fins que les nôtres, permet-elle de déchiffrer notre actualité ?

Celle-ci ne se résume pas à la répétition, sur la scène du monde, du jeu de l'intérêt, de la force et du désir de gloire. Elle oblige à repenser les formes de la citoyenneté, après la crise des philosophies de l'histoire et de la politique sociale, le rapport du politique et du religieux, les modes d'expression démocratique du différend, les figures de la virtù face aux nouveaux visages de la Fortune.

L'œuvre machiavélienne ouvre un espace de réflexion sur ce qui, du politique, est plus vrai que nature : la dimension de la verità effettuale, de la multiplicité contradictoire du réel et de sa résistance à toute approche systématique. Il s'agit de lui rendre toute sa force d'hétérotopie par rapport à la tradition philosophique : lieu autre, mais non totalement étranger, qui la renvoie à l'utopie dont elle procède, tout en lui offrant la chance - et le risque - de sa mise en question.

A l'âge des grandes interprétations partisanes de la pensée machiavélienne a succédé celui, nourri des acquis récents de la recherche philologique et historique, de sa réévaluation critique. L'enjeu Machiavel en trace, pour la première fois en France, les lignes de force essentielles.

Les textes réunis dans ce volume sont issus d'un colloque organisé les 14, 15 et 16 mai 1998 par Gérald Sfez et Michel Senellart au Collège international de philosophie.