L'hécatombe des ormes

Rares sont les livres portés par un élan. Ceux qui vous prennent, vous sortent du quotidien le temps de leur déploiement, puis vous reposent, interloqués par cette aventure de langage, comme après avoir volé en rêve. Le livre de Rambour compte parmi ce petit nombre. Savoir que l'auteur l'a écrit le dos au mur, n'explique rien mais vérifie la sensation de nécessité qu'on en garde. Car dans ces 29 poèmes de 22 vers centrés, plus 1 de 21 (sorte de dissonance savante au coeur de l'ensemble), il y a constamment la tension, les trouvailles douloureuses, les ouvertures soudaines sur le passé ou les lendemains, que seule peut engendrer une commotion. Une commotion intervenant chez un individu en pleine possession de son art (sa manière instinctive d'écrire, ses références, sa réflexion sur le poème et la vie). La thématique des arbres, qui nourrit la diversité et la cohérence de ce qui - malgré ses séquences identifiables - est un poème unique, est toujours parfaitement intégrée à une parole existentielle. Elle est toujours liée à une rythmique profonde qui transforme en la brassant... Alors que la fascination de la mort génère souvent dans la poésie contemporaine le règne de l'entropie (pour ne pas prononcer le mot nihilisme), ce livre, sans mièvreries ni illusions sur la nature humaine, est marqué par un «signe ascendant». Son écriture a la force de ce qui a échappé à la disparition.

Gérard Noiret