La dernière ballade

« C'est cette chanson, On the Evening Train, qui m'a poussé à m'y remettre. Elle me rappelait que moi aussi j'avais été musicien, j'avais enregistré des disques, j'avais fait danser et pleurer des femmes et des hommes à travers tout le pays, j'avais passé des journées entières en studio à chercher la mélodie, le rythme, la bonne intonation, et de belles nuits blanches sur la route, avec les autres fous, à jouer, à blaguer et à respirer l'odeur des filles qui nous pressaient de nous frotter contre elle. [...]
J'avais repris la guitare une première fois un peu avant la naissance de mon fils, il y a plus de vingt ans, mais je ne la saisissais alors que pour tromper mon inquiétude. [...]
La nuit donc, je ne dormais pas, je grattais, je fredonnais. Je regardais ma compagne assoupie, en tenant la guitare comme un totem. Rebecca respirait et son ventre arrondi vibrait. Parfois, une lueur de lune passait à travers les carreaux et venait effleurer la douce peau de mon amour. Elle disparaissait ensuite, cachée par les nuages ou la brume, mais une lumière subsistait, qui me rendait fier, qui me rendait fort. »

Cette ballade est le récit doux-amer d'un retour au monde, celui d'un musicien qui vit à l'écart, dans les montagnes quelque part en Europe. La disparition, après tant d'autres, d'un chanteur qu'il a côtoyé dans sa jeunesse, l'incite à tenter un come-back.

Il aura besoin d'une complice, une jeune femme, avec qui il se met à répéter, sans lui révéler son identité. Ensemble, ils tâtonnent, à la recherche d'un son qui s'est peut-être volatilisé. Évidemment, on ne ressuscite pas comme cela le passé.