La divine condition

Pour l'administrateur, la journée s'annonce dure. Il a téléphoné dès sept heures du matin à toute la région. Le travail n'a pas repris à Rose-la-Belle. A l'Appel et à Bon- vent, soixante pour cent des laboureurs refusent de se rendre aux champs. Vers huit heures, le soleil déjà haut, Noire Lune et Larigard prennent contact avec Kanaka : la « sale grève » s'étend. En outre, à Larigard, on redoute l'occupation des locaux. A Noire Lune, les cadres, pris de panique, demandent des armes pour se défendre. « Ça va péter ! » dit le « bon Dieu » au comptable. Le magasinier ne fait que répéter : « Dieu sait... Dieu sait ! » (...)

Heureusement, le seul mort de la grève a été incinéré, selon la coutume hindoue, sans histoire. Les parents et une poignée d'amis avaient accompagné la civière, couverte de camélias et de roses d'Inde, jusqu'au faisceau de bois secs et de brindilles dressé au bord d'une rivière. Un prêtre, le poossari, vêtu d'une robe couleur safran, avait mis le feu à cet autel de branches. Le mort s'en était allé dans la fumée et les étincelles, parmi les cris sourds du feu.