La meilleure volonté du monde

La première

Viens avec moi

L'autre :

Je suis droite dans mes bottes.

La première :

Tu les a vues, tes bottes ?

Tu as vu où elles t'ont menée, tes bottes ?

L'autre :

Je ne me mens plus !

(...)

La première :

Moi, je n'ai pas d'autre choix, je ne peux aller que de l'avant.

L'autre :

Mais où vas-tu ?

La première :

Peu importe...

Le tout est de ne jamais s'arrêter...

L'autre :

Blablabla. Pan dans le mur !

La première :

Parce que toi, tu ne t'es pas fracassée ?

Regarde-toi.

Sale ! Marquée au burin !

Affamée !

L'autre :

Mais moi, tout va bien.

On dit que nous vivons comme des cochons ?

Mais si nous ne vivions pas comme des cochons, nous ne serions plus en vie, point à la ligne !

Nous sommes des omnivores peu regardants.

Adolescentes, à la fois rivales et amies, elles ont fait ensemble de grands rêves d'avenir. Aujourd'hui, la première s'est rangée ; elle est mariée à un illustre chirurgien esthétique qui n'oublie pas les années passées à rafistoler les corps sur le front des batailles. Ensemble, ils ont adopté un enfant originaire d'Afrique. L'autre, qui a connu son heure de gloire, s'est un beau jour, par dégoût, exclue de la « société des hommes ».

Elles se retrouvent par hasard à l'arrière d'une grande surface. La première traîne ses lourds sacs bien remplis ; l'autre survit dans un tas de cartons, résidus de notre société de consommation. La première doit-elle venir en aide à l'autre ? L'autre peut-elle accepter cette aide, au risque de se sentir endettée puis domestiquée ? Jusqu'à quel point peuvent-elles retrouver leur complicité d'autrefois ? Iront-elles jusqu'à partager l'homme et l'enfant ?

La pièce se veut un cri face à un monde sans repères. C'est aussi un hommage appuyé à ceux que Lorent Wanson a rencontrés lors de ses expériences théâtrales au Congo, en ex-Yougoslavie, ou dans les quartiers délaissés de la capitale de l'Europe. Un voyage aux frontières de nos interdits, mêlant amour, trivialité, générosité et violence.