Le blues de la mygale

Qu'est-ce qui pousse un jeune bourgeois de la place du Panthéon à aller passer un mois dans une communauté de frères en Haïti, un des pays les plus pauvres du monde, plutôt que de bronzer en Toscane ou à Biarritz? Envie d'humanitaire? Il y a un peu de cela, certes, mais Alexis Normand, en enseignant les rudiments de l'informatique aux frères et aux soeurs, a parfaitement conscience qu'il ne contribue que fort peu à réduire la fracture Nord-Sud. Soif d'aventure? Bien sûr: on laisse pousser la barbe et réaffleurer la vie naturelle, on se surprend à vouloir croiser une mygale... Mais l'essentiel est ailleurs. Pour Alexis, il s'agissait surtout, peut-être, d'aller confronter le discours tenu sur le Tiers-Monde depuis l'Occident aux cahots bigarrés du réel. Le jeune auteur parcourt avec un regard frais, plein de franchise, ni trop sévère ni trop complaisant, les cercles vicieux d'une économie au fond du gouffre et d'une société au bord de l'explosion.

Mais il y a les sourires, la joie des regards et une figure lumineuse qui émerge de ce récit: Franklin, le chef de la communauté, homme de tout charisme et d'énergie, professe une relecture de la théologie de la libération qui séduirait les plus athées et insuffle de l'espérance là où on se laisserait facilement aller au désespoir.

Ni enfer miséreux, ni paradis de simplicité retrouvée, donc, Alexis Normand nous introduit au Tiers-Monde vécu, loin des clichés ou du politiquement correct, dans un récit qui est avant tout une invitation au voyage.