Le cas Champsaur

Champsaur a été beaucoup lu, il ne l'est plus aujourd'hui, et depuis longtemps. Fallait-il essayer de le ressusciter ? Oui, mais non pas comme furent publiés de nouveau Charles Monselet, ou Adoré Floupette, lus avec un vrai plaisir de lecture. Paule Adamy l'a fait revenir dans une étude où elle essaie de cerner l'indiscernable nature de cet écrivain qui se prenait pour le Balzac des temps nouveaux - une opinion non ratifiée, à juste titre, par la postérité -, mais qui ne fut pas non plus l'auteur nul que certains voyaient en lui. Auteur à la fois de livres à grands tirages, de chroniques littéraires pour la grande presse plus littéraires souvent que ses livres mêmes, et de minces plaquettes merveilleusement illustrées, d'une poésie tout imaginaire, Champsaur apparaît comme le grand prostitué des lettres ; et comme tel, il déploie ses charmes, encore efficaces, et d'autant plus efficaces que le vis-à-vis à convaincre, le lecteur, sa proie, discerne les ficelles, mais se laisse prendre au piège d'un je-ne-sais-quoi. Champsaur se voulait moderniste, et il a cru, à tort, y parvenir en collant à son époque ; mais moderniste, il le fut en plusieurs sens, le bon allié au mauvais. Il a pressenti et appliqué avec soin et sans la moindre pudeur des méthodes de diffusion qui seront codifiées longtemps après sa mort, et appliquées sans état d'âme ; il a eu l'intuition d'une forme originale de spectacle, pantomimes ou ballets lyriques : il a bouleversé dans certains de ses livres la typographie, en créant une alliance nouvelle, sur la page, de l'illustration et du texte ; il a utilisé, parfois sans discernement, mais assidûment toujours, les épices de l'amour physique. Auteur trop fécond, il s'est répété, il a mendié la faveur du public littéraire, mais il a toujours gardé un petit coin, en lui, original et individualiste : un comble !