Le coup de tête

Ce qu'il y avait c'est que le monde, le monde entier, l'humanité dans son ensemble, à ce moment de son histoire à lui Baptiste, jusque-là tranquille comme Baptiste - le monde entier venait de perdre toute assise, de s'effondrer, et sous ses yeux, mais de s'effondrer salement, sans bruit, sans gloire, ou enfin sans le minimum de noblesse que l'on est en droit d'exiger de si grands désastres.

Alors que, ce 3 septembre 1939, les journaux annoncent que la guerre est déclarée, Baptiste, tout juste majeur, se trouve embarqué dans une remise en cause de ce qu'a été sa vie jusqu'alors, aveugle à la réalité du monde dans lequel il devient adulte.

Dionys Mascolo est l'une des consciences les plus importantes de l'après-guerre en France. Ami de Robert Antelme, de Maurice Blanchot ou d'Elio Vittorini, compagnon de Marguerite Duras, c'est lui qui est à l'origine du Manifeste des 121 contre la guerre d'Algérie. Philosophe, essayiste, acteur, il a peu publié mais son influence fut immense sur nombre d'intellectuels français des années cinquante et soixante.

Initialement publié dans Les lettres nouvelles en 1960, Le coup de tête a été largement remanié ensuite par Dionys Mascolo. C'est cette version inédite que nous publions.

Méandres et doutes, traits incisifs ou circonvolutions virtuoses, les dessins de Gilgian Gelzer résonnent subtilement avec l'éveil à la conscience de Baptiste.