Le large

Le large

Les oeuvres de Julie Beaufïls rassemblées dans ce livre appartiennent à une série élaborée entre 2016 et 2017.

Ces dessins à l'encre noire suivent une logique de montage, d'accumulation et de suspension narrative : ils ont pour origine des souvenirs de films ou de séries TV, des sédiments d'une culture de masse, ou bien parfois des observations et des moments vécus, cristallisés dans des images. Quelques mots, des expressions toutes faites, font parfois partie de la composition, évoquant un titre d'album ou la légende d'un cartoon. Les motifs et les formes se développent en un répertoire fracturé, enrichi par la vibration et la densité des traits et des lignes.

Réalisés en atelier, en parallèle à la conception et à la réalisation de peintures sur toiles avec lesquelles ils partagent certains motifs, ces dessins sont exposés dans des boîtes où l'on peut les manipuler, comme on peut (encore) le faire avec des vinyles dans les bacs des disquaires.

Ce livre ne cherche pas à donner simplement à voir un ensemble de dessins, mais à en provoquer l'interprétation et à en compliquer la « lecture », en prolongeant le travail d'élaboration et d'exposition engagé par l'artiste. La charge narrative ou méditative des dessins est activée par des procédés propres au livre, ainsi que par leur association libre avec trois nouvelles écrites par Michael Van den Abeele, Buck Ellison, et Reba Maybury. De même que la série de dessins est ouverte, ces récits ne sont pas clos ; leurs significations dépendent d'échos plus ou moins distincts, de rebonds plus ou moins équivoques, de rapports plus ou moins féconds. L'arrangement des dessins et des textes est, pourrait-on dire, cosa mentale : l'ordre de la lecture peut se faire, se défaire et se refaire dans l'esprit et les mains de celles et ceux qui tournent les pages de ce livre.

The works by Julie Beaufils gathered in this book belong to a series from 2016-2017.

These ink drawings follow a logic of editing, accumulation and narrative incompleteness : the figures come from memories of films or TV series, as sediments of mass culture, or sometimes from personal observations and experiences crystallized in images. Words- ready -made sentences-are in some cases part of the composition, like the title of an album or the caption of a cartoon. Shapes and figures develop as an ambivalent collection, informed by the weight and the vibration of lines and strokes.

Elaborated in the studio, in parallel with paintings on canvas with which they sometimes share elements, these drawings have been exhibited in boxes : they could be handled by the audience, as one can (still) do with vinyl in record stores.

This book does not only aims at gathering and circulating these drawings, but also at triggering their interpretation and making their "reading" more complex, thus perpetuating the artist's approach. The narrative or meditative potential of the drawings-their agency-is activated by the very form and structure of the book, and in particular by the free association of the works with three short stories by Michael Van den Abeele, Buck Ellison, and Reba Maybury. Just as the series of drawings are open-ended, the narratives are equivocal : their meanings depend on the feelings they may provoke, on the echoes that may exist between them, and on the relations and the ruptures readers may imagine. The sequence of the drawings and the texts is, one could say, cosa mentale : the order of the reading can be done, undone and redone, in the minds and in the hands of those who turn the pages.