Le retardataire

Fascinés par la figure mythique de l'innocent intellectuel victime des répressions staliniennes, le narrateur et sa fiancée. Lera, étudiants de l'ère khrouchtchevienne, se rendent sur l'emplacement d'un ancien camp, aux confins de l'Oural et de la Sibérie. Hélas, leur prisonnier politique idéal n'existe plus ; un banal lotissement abrite désormais des détenus de droit commun en résidence surveillée. Ignorante de son retard historique, Lera s'obstine dans son manque de réalisme : elle croit «retourner au peuple» en s'éprenant d'un grossier camionneur. Impuissant, le narrateur la regarde faire : il ne saura pas intervenir à temps pour ne pas la perdre.

A cette histoire d'amour contée avec émotion et ironie, la légende du petit Lecha, le chercheur d'or, vient apporter une sorte de contrepoint poétique. Régulièrement distancé par ses camarades dans leurs courses à travers les montagnes, le gamin finit toujours par s'endormir dans un coin, épuisé. On découvre bientôt qu'il a un don : en creusant la terre là où il s'est couché, on trouve de l'or. Entrelaçant avec subtilité les motifs, Vladimir Makanine développe le thème du retard comme une sorte de métaphore de la destinée humaine. Ne sommes-nous pas tous, peu ou prou, des «retardataires», courant vers un but qui toujours s'éloigne, jamais certains de n'avoir pas raté l'essentiel ?