Le sang des solitudes

Elle nous parvient de loin la voix poétique qui s'élève ici, de cette époque immémoriale où l'homme se découvre mortel, exilé sur terre, terré au coeur d'un monde hostile. Elle nous interpelle, nous sollicite avec les mots les plus simples, les plus usités les plus familiers comme au premier jour où les dieux et les griots les ont déposés sur les lèvres des poètes. Oui, elle nous vient de loin la voix forte et lyrique de Kama Sywor Kamanda, et le chant qui s'organise ici est un chant universel, continue et comme unique, un chant multimillénaire qui a pris naissance à cette époque reculée où, au coeur du berceau de l'humanité, dans cette Afrique luxuriante, secrète, mystérieuse où l'homme, étreint pour la première fois par la torturante nostalgie d'un paradis perdu, s'est inventé une cosmogonie où siègent des dieux impavides et a rendu grâce à cet arbre magique qui relie la terre des ancêtres au cosmos, comme le chante Kama Sywor Kamanda.

Bernard Mazo