Le sexe de la philosophie

«Je ne sais pas, écrit Jean-François Lyotard dans L'inhumain, si la différence sexuelle est une différence ontologique. Comment le saurait-on ? (...) Elle fait penser sans fin, elle ne se laisse pas penser.» La philosophie place la différence, de même que le féminin, la «femme», en général par delà la raison. C'est bien le féminin qui est l'«inhumain» dont le philosophe parle, s'il est vrai, comme il le soutient, que la femme ne «connaît pas» la mort.

Ce qui paraît remarquable dans l'idée d'une «explosion primordiale» à laquelle Jean-François Lyotard compare la différence des sexes, c'est que toute origine viendrait d'une altérité. Pour l'humain, de l'inhumain, pourquoi pas. Mais en voulant en même temps placer la moitié de l'espèce de l'autre côté du miroir, en consignant le féminin à l'inhumain, on creuse un dualisme essentialiste involontaire qui ramène au seul monisme masculin. Pourquoi ne pas penser la pluralité en deçà, dans un universel humain concret et différencié ? Cela permettrait à la philosophie de ne pas continuer à nier la sexuation de la pensée et de ne pas refuser la raison aux femmes.