Les cadres

La loyauté a longtemps défini le lien particulier unissant les cadres à leur entreprise. En échange de leur fidélité, l'entreprise garantissait en partie leur carrière. Ce principe s'affaiblit et laisse la place à une autre logique où la défection domine, ce qui sup-pose que les cadres deviennent les acteurs et les sujets de leur histoire. Comment vivent-ils ce changement et quel sens donnent-ils à leur travail?

Les cadres, à travers le récit qu'ils livrent de leur activité, produisent d'eux-mêmes des images contradictoires et com-plexes. Ils sont autonomes et fortement contraints. Ils sont attachés à leur entreprise et pourtant ils ne maîtrisent rien de ses orientations et ne partagent pas toujours ses choix politiques et stratégiques. Enfin, ils se veulent et doivent devenir acteur de leur carrière, tout en se rendant dépendant d'un jeu qui leur échappe et les oblige à être performants au risque de ne plus pou-voir jouer. Pour comprendre le rapport particulier que les cadres entretiennent avec leur travail, et échapper à la tentation de la crise, il faut accepter l'idée que ces différentes logiques sont en partie indépendantes les unes des autres: le travail demeure un élément de construction de soi positif mais emprunt de très fortes incertitudes.