Fiche technique
Format : Broché
Nb de pages : 696 pages
Poids : 400 g
Dimensions : 15cm X 22cm
EAN : 9782201016134
Quatrième de couverture
Je ne crois pas qu'on puisse comprendre quoi que ce soit de moi, si l'on omet de dater mes pensées ou mes écrits. Je ne sais pas s'il est des hommes pour qui les choses en vont autrement. J'en doute. Mais je ne me reconnais le droit de l'affirmer que pour ce qui me concerne. Si donc, un jour, quelqu'un par extraordinaire s'avise de replacer Les Communistes, et celui qui les écrivit, dans le cadre des trois années que ce livre prit à écrire, il faudra bien tâcher de s'imaginer, en marge des événements, cette part intime de ma vie sans laquelle ne se peut qu'avoir de moi image faussée, cette part que je dis intime bien qu'elle soit simplement le revers d'une existence publique, qu'elle soit ce qui se passait en moi, dans ces années dont on sait encore peu de choses, caril faut longtemps laisser décanter ce qui fut pour en connaître l'eau claire. Et sans ce qui se passait en moi et que vous ne pouvez saisir que pour ce que cela reflétait de l'histoire d'alors, comment pourriez-vous comprendre la nature de ce qui m'habitait quand je prenais si mal le bien qu'on me disait des Communistes ? On croit, à lire ce qui s'en écrit, que la complexité de l'homme tient tout entière dans ce domaine qui est du ressort de la seule psychologie. Et quand, dans un roman, on voit paraître le bout du nez de la politique, on rejette le livre, assuré de n'y trouver que clichés, stéréotypie, images de convention. C'est qu'on se fait de la politique une idée bien sommaire. La politique, ce n'est pas que son exercice en plein vent, elle prend dans l'homme, l'individu, des résonances imprévues. Je ne dis pas cela pour défendre une sorte de roman, comme vous le croyez peut-être. Mais l'homme. Je ne dis pas un homme. Ce qui se passe au-dehors de lui, et où son sort est en jeu conditionne l'homme, qu'il le sache ou non. Et s'il en est (ce qui me semble le cas des communistes entre autres) tant soit peu conscient, cette conscience prend forcément caractère de drame, d'un drame à deux personnages, l'un qui ressemble à ces comparses bruyants au théâtre dont on a besoin pour apprendre ce qui est arrivé à Hippolyte, mais qui ne sont que des miroirs de l'événement, l'autre qui se tait, mais pour qui vraiment Hippolyte meurt.
Je ne sais si l'on me comprendra. Je veux dire au plus bref qu'il y a d'une part la politique, et partout les hommes qui la font, et d'autre part ce qu'elle fait de ces hommes, ce qu'elle fait d'un homme. Et ce que cet homme en éprouve pour lui.
Aragon