Les confitures de Haute-Saône

Quel bonheur que celui de notre enfance dans les campagnes saônoises ! Il me revient les images de mes grands parents et de mes grand' tantes particulièrement... Dans nos fermes et autres bonnes maisons de jadis, on faisait toujours les "quatre heures". Sur la table arrivaient alors la miche, le beurre et les verrines de confitures tirées du cellier, des étagères ou du vieux buffet dont les réserves paraissaient sans fin.

Parmi toutes ces douces mamans qui nous chérissaient, je me souviens de celle qu'on a toujours appelée "la tante Angèle". Elle avait le don de nous étonner et de nous réjouir car elle transformait le banal du quotidien en une féerie de saynètes. Elle nous apportait des pots aux couleurs suggestives coincés entre son bras replié et ses corpulences redondantes. Elle arrivait vers nous avec un sourire enjoué qui en disait aussi long que nos fringales d'alors. Le rituel était immuable. De son autre main restée libre elle nous caressait le dessus de la tête, ce qui valait autorisation de se saisir d'une des verrines, non sans avouer qu'on avait bien travaillé à l'école et que l'on s'était conduit en digne enfant de choeur à la petite messe des mardi et jeudi matin.

Tout en trempant les tartines dans le café-au-lait, on faisait enfin lecture de l'étiquetage. Une belle écriture, toute en manuscrite : "coco jaune de l'oncle Alphonse", "églantine de la Guiguitte", "prune de Velleguindry", "coing du Mâma", etc...

Tout ceci me paraissait bien loin, inscrit à jamais dans le bonheur de l'enfance, jusqu'au moment où je rencontrais Jean-Luc Sibille à "La ferme d'Alizée", au village de La Creuse. Là, j'ai non seulement retrouvé les parfums d'antan, mais j'en ai appréciés de nouveaux, plus exotiques, plus originaux, tout à la mesure de son talent de confiturier. Notre artisan entretient de vieux vergers, en créé de nouveaux et recherche assidûment les anciennes variétés fruitières. Il procède à des greffages avec les professionnels des pépinières. Jean-Luc sait parler de tout cela comme d'un patrimoine qu'il faut inventorier, préserver et cultiver pour les remettre au goût du jour, les servir à nos tables familiales.

C'est bien cette qualité de goût, cette belle histoire et cette passion qu'il nous fait partager dans cet ouvrage.

Pascal Magnin, éditeur.