Les deux visages de la femme chez William Shakespeare et Gustav Meyrink

Ce second ouvrage de Nicole Marchand sur Shakespeare délivre au premier abord un suc plus arrondi, plus suave que le précédent. Cette impression cesse lorsque l'auteure nous fait découvrir, à travers les portraits de femmes diaboliques, un certain féminin qui emprunte les formes trompeuses du Beau et du Vrai pour semer dans nos vies la graine de la perdition.

S'y oppose un autre féminin : la force de l'amour salvateur, représenté symboliquement chez William Shakespeare et chez Gustav Meyrink par des portraits de femmes à la douceur et à la fermeté angéliques.

Pas à pas, nous comprenons que les personnages féminins, imaginés par ces deux auteurs, ont pour mission de représenter symboliquement deux qualités d'âme opposées. En l'être humain, de quelque sexe qu'il soit, l'âme est de polarité féminine, réceptive, dans sa relation au Penser divin, à l'Esprit, de polarité masculine qui l'inspire et la dynamise. Du moins quand tout est bien.

Mais... tout n'est pas bien : l'âme humaine emplie de l'amour de soi se dresse contre l'Esprit dont elle devrait être l'épouse. Un combat plein de périls se livre alors entre les deux potentialités féminines de l'âme. William Shakespeare et Gustav Meyrink l'expriment par le face à face dramatique de deux figures symboliques connues depuis toujours de la Doctrine Secrète qui est cachée dans les légendes et les mythes.

L'amour et la haine se côtoient dans un jeu de miroir hallucinant. A travers le portrait de Lady Macbeth de Shakespeare ou celui de la princesse Issia Chotokalungine de Meyrink nous sentons passer le même souffle que celui de Circée, la magicienne opposée, par Homère, au viril Ulysse. Le principe spirituel de la vie parfaite, présent au coeur de l'homme, résiste à la sombre magie de la force femelle diabolique et tente de la combattre. Cela donne lieu à toute une galerie de portraits et de situations où se révèle tantôt la force terrifiante du fantastique, tantôt la grâce réjouissante du merveilleux. Dans les deux cas ce livre nous transporte à la fois ailleurs et au plus profond de nous-mêmes.

Les Editions du Septénaire s'efforcent de rendre accessibles au public les écrits gnostiques, apparus au fil du temps dans une étonnante richesse et diversité, mais souvent écartés voire combattus...

La gnose est une connaissance de première main, sur laquelle sont bâties la plupart des grandes religions. C'est un courant de Sagesse présent de manière sous-jacente au monde et à ses péripéties. L'accès à ce savoir enfoui au coeur du monde, mais aussi au coeur de l'homme, nécessite un questionnement, une interpellation du type : « Homme, connais-toi toi-même ».

Nicole Marchand bien qu'amoureuse, comme elle le dit, de la philosophie à laquelle elle a consacré une bonne partie de sa carrière, a donné l'autre moitié de son coeur à Shakespeare.

Son premier livre « Shakespeare ou l'âme dévoilée » n'hésitait pas à nous entrainer avec une vivante conviction dans des mondes inconnus et des mystères inaccoutumés. Avec ce second ouvrage elle persiste dans sa vision de la conscience et de la pensée du grand dramaturge : une conscience initiée aux potentialités secrètes de l'âme humaine et au chemin de l'Eveil...

... Dans ce présent ouvrage Nicole Marchand pour notre plus grand bonheur associe l'oeuvre de Shakespeare au monument littéraire de Gustav Meyrink « L'Ange à la fenêtre d'occident », peu connu des français et qu'elle met avec aisance et précision à notre portée. Les femmes évoquées par de ces deux auteurs se ressemblent mais pas comme on pourrait le croire : il faut dépasser le portrait par le symbole et alors... alors... on retrouve les mondes mystérieux que le premier livre de Nicole Marchand n'avait fait qu'esquisser. On les retrouve avec une intensité multipliée par dix ! Pour tous ceux que passionne la descente en eux-mêmes...