Fiche technique
Format : Broché
Nb de pages : 143 pages
Poids : 274 g
Dimensions : 19cm X 28cm
EAN : 9782905985668
Quatrième de couverture
Les oeuvres de l'artiste italien Piero Manzoni sont exposées dans les plus grands musées du monde.
Pour les critiques, il est l'un des plus grands, à l'égal de Marcel Duchamp.
Pour de nombreux artistes, il est une figure de la rupture.
Pour les marchands, il est une valeur sûre.
Pour les collectionneurs, il fait partie des incontournables.
Dans les écoles d'art, Manzoni est un classique.
En 1961, il crée les 90 Merda d'artista, boîtes de conserves contenant 30 grammes de ses propres excréments destinées à être vendues au prix de 30 grammes d'or au cours du jour.
L'existence même des Merda d'artista est une limite que la société a traitée comme telle : quand une de ces boîtes a été exposée en 1961 dans une galerie nationale en Italie, la polémique est allée jusqu'au Parlement italien. Dino Buzzatti défendit Piero Manzoni dans des affrontements qui eurent lieu par journaux interposés.
De quelle façon cela est-il de l'art ? Qui décide de l'existence d'une oeuvre d'art ? A partir de quel moment un objet devient-il une oeuvre ?
Comme pour beaucoup d'artistes, la gloire de Piero Manzoni est bien plus grande mort que vivant.
Retracer le trajet des Merda d'artista dans le temps et l'espace-le prix, les différents propriétaires, c'est mesurer la reconnaissance accordée à l'artiste.
Le monde de l'art contemporain, comme tous les milieux, ceux de la mode, de la musique, du cinéma, du sport, ceux des spécialistes, comporte son propre système de valeurs, ignoré du grand public, ou incompréhensible du fait de l'inconscience des règles et valeurs qui constituent ce système.
Nous prétendons que ces règles sont les mêmes que celles qui organisent notre société de façon à autoriser des échanges, se réaliser et exister, entretenir un rapport avec le monde et le temps.
Rechercher les relations entre les propriétaires, mettre en évidence l'établissement des valeurs, la nature de leur rapport avec l'objet possédé.
C'est le propos de notre oeuvre.
Depuis sa création, cette série a été disséminée dans le monde entier. Aujourd'hui, la valeur d'une boîte est d'environ 30 500 Euros (environ 200 000 FF, 25 à 35 000 US$).
Parmi les propriétaires de ces boîtes, des institutions nationales, des artistes, des collectionneurs, des marchands.
La Merda d'artista est une oeuvre à laquelle il nous est impossible d'accrocher une valeur formelle : la taille de l'objet, la banalité de son enveloppe, de ses couleurs...
Pour une personne non informée, sans connaissances, c'est le rire, la colère, ou un symbole de la décadence.
Dans le monde de l'Art, c'est un must.
D'où vient cette différence de jugement de «goût» ?
Posséder une oeuvre d'Art, c'est vouloir entretenir un rapport avec elle, l'artiste, le vendeur, son époque...
Chaque propriétaire entretient avec sa Merda d'artista un rapport particulier :
- Quel a été le trajet de l'oeuvre ?
- Dans quelles conditions l'a-t-il acquise ?
- Qui la lui a cédée ?
- A quel prix ?
- Quand ?
- Où cette oeuvre est-elle entreposée ?
- Quels sens donne-t-il à sa possession ?
- Comment est-elle exposée au public ?
- Dans quel but ?
S'intéresser à ces propriétaires, c'est traverser le monde de l'art, c'est faire le tour du monde en 90 boîtes : un grand nombre de pays est concerné - Italie, France, USA, Japon, Suisse, Corée... -, tous les acteurs du monde de l'Art, ses mécanismes, ses valeurs, ses circuits.
Valeur commerciale et valeur artistique
Au début, ce n'est qu'un assemblage de métal, de papier et d'excréments humains. Puis, en quarante ans, cet assemblage devient une oeuvre d'art, avec une valeur commerciale, une valeur artistique et elle génère les discours enflammés les plus variés. Le film s'intéresse aux mécanismes de ces valorisations, aux points d'appuis sur lesquels la société applique le levier qui transforme la valeur des objets.
La valeur commerciale
A part la cote de l'artiste, un exemple de mécanisme est le processus qui consiste à prendre un objet et à l'assurer. La prime dépend alors de la valeur de l'objet, et une fois la prime payée, la valeur de l'objet est fixée par le contrat de l'assurance. Un autre exemple : un peintre vend ses oeuvres aux enchères, avec une valeur de départ, fixée par le commissaire-priseur et le peintre. La valeur de l'enchère finale crée la plus-value sur l'oeuvre. Et le nom du propriétaire devient aussi un élément de la valeur commerciale.
La valeur artistique
A part la sensation intime du spectateur et son rapport avec l'objet, l'oeuvre est au centre d'une conversation entre un artiste, un galeriste et un critique d'art.
La valeur artistique de l'oeuvre dépend de la force de la conviction des personnes impliquées dans la conversation. Le trajet de l'oeuvre est très dépendant de cet échange. La valeur artistique de l'oeuvre se mesure - en dehors de tout marché - à la présence de cette oeuvre dans diverses publications, à son exposition dans des lieux plus ou moins valorisants. Et donc l'exposant (publication, musée, galerie) devient un élément de la valeur artistique.
C'est le rassemblement de ces deux valeurs qui installe l'objet dans sa position d'oeuvre dans la société.