Les souvenirs n'encombrent pas les placards

Voilà, ils reviennent comme ça les souvenirs, songe Katia en finissant son hot-dog. On est en colère, on jette un caillou sur notre amertume. Et nos pensées font des ricochets. Il y a les cercles d'Amérique, les cercles de Russie. Ils se superposent.

Dans la salle endormie du Blue Butterfly, l'étrangère installe sa Russie intime. Est-ce qu'elle y est toujours la babouchka qui vend des harengs séchés au coin de la rue ? Une fois, un peu avant de partir aux Etats-Unis, elle ne l'avait plus vue. Deux, trois jours. L'hôpital. Trop cher. Faudra continuer à vendre. L'été, à côté des poissons, il y avait de petits bouquets d'oeillets de poète, des gobelets de groseilles. Elle lui en achetait. Maintenant, elle pense qu'elle ne marchera plus jamais dans sa rue.

Si les souvenirs n'encombrent pas les placards, ils glissent insidieusement dans la vie des personnages de ces nouvelles. La nostalgie ou l'obsession est un poison, lequel suffit à faire basculer une vie ordinaire dans le drame. Et dans l'exil, la quête d'une nouvelle identité est illusoire, les souvenirs sont tenaces.