Fiche technique
Format : Broché
Nb de pages : 164 pages
Poids : 400 g
Dimensions : 15cm X 21cm
EAN : 9782869710771
Les Uzégeoises de la Tour de Constance
Quatrième de couverture
Il n'y a pas d'image plus marquante, pour parler du cheminement intérieur que celle de la Forteresse. Du "Rivage des Syrtes" au "Désert des Tartares", c'est la métaphore de l'enfermement en même temps que de la soif d'absolu. Mais ici, il ne s'agit point de roman. Ou plutôt l'imaginaire, qui dans le roman sert à construire un monde de fiction, sert ici à explorer un monde qui fut vraiment. Le remarquable récit de Jean-Bernard Vazeille a les assises, les étagements, l'appareil régulier et les labyrinthes internes de la Tour dont il est le Double, le reflet d'écriture.
Son style continue le too des anciennes chroniques. De bout en bout il a une constance, une fidélité, une grandeur. Par cela, il redit, transpose et fait ressentir la constance, la fidélité et la grandeur d'âme des personnages de la Tour.
On est ici dans un éclairage d'héroïsme. Mais en clair-obscur. En doux-amer. En multiples nuances. La sensibilité s'unit à la trempe des martyrs. Contrairement aux règles de l'épopée, ce récit montre l'héroïsme chez des femmes. Et ces femmes sont, de plus, victimes, prisonnières. Pourtant elles sont plus fortes que les murs, que les armes, que les officiers du Roi. Surprises dans des Assemblées de prière au Désert, elles sont envoyées dans la grosse Tour d'Aigues-Mortes tandis que les hommes vont souffrir aux galères. Mises vivantes au tombeau, elles se retrouvent entre Vivaraises et Uzégeoises, elles se racontent l'une l'autre l'air du dehors et la vie qui les hante, elles se consolent et s'exhortent mutuellement, elles sentent que "la chair murmure toujours" et, chaque jour, en choisissant de ne pas "se convertir", elles noient le désir, l'amour de loin, elles le noient de leurs mains comme on noie les chiots d'une portée trop prolifique avec détermination et avec émotion. Elles sont pleinement femmes jusque dans leurs manques et elles sont pleinement "saintes" en gardant raison, en ne sombrant pas dans l'égarement.
C'est ainsi qu'entre la cuisine, le son des cloches du dimanche, qui sont les sculs bruits du dehors, le chant quotidien des Psaumes ou les comptines d'une enfant (car des enfants sont avec leur mère !), dans ce monde clos elles ouvrent le ciel et la terre pour y élever la Tour de leur exemple. Après les luttes camisar des et les épisodes de l'action armée, elles expérimentent, pour défendre la liberté de conscience, une résistance civile, une "non-violence active", à la fois mystique et politique, qui préfigure Gandhi. Ce combat est total. C'est un bûcher où elles choisissent de brûler leur vie.
Ce livre ne se lit pas seulement comme une chronique de la vie quotidienne des Prisonnières ; pas sculement comme une œuvre d'Histoire nourrie de la plus pointilleuse documentation ; pas seulement comme un voyage à travers les mystères de la Foi ; il est cela tout ensemble. Il est une stèle dressée face aux marais, face au vent, face à la mémoire.
Il est aussi un regard humain porté sur un drame humain. Deux siècles après la Déclaration des Droits de l'Homme, qui suivit de quelques années l'élargissement des dernières martyrs, on ne peut que se demander comment cela fut possible. Tant de la part des bourreaux que de la part des victimes. Cette Tour et ses prisonnières n'apparaissent pas tant, en notre siècle, comme un impossible modèle de sacrifice, que comme une interrogation sur les "limites" et comme un profond, incommensur, (...) de méditation.
Roland Pecout