L'oiseau grand-tison

De quoi nous parlent les contes ? De l'homme et de l'universelle condition humaine, mais aussi - et c'est tout le secret de l'infinie variété du conte populaire - des réalités propres à un petit canton de l'univers. Les contes du pays betsimisaraka du nord, sur la côte est de la Grande Ile de Madagascar, recueillis dans les années 1970 et 1980, ne sont peut-être pas aussi «traditionnels» qu'ils le paraissent au premier abord.

On y rencontre bien, comme dans les contes d'un peu partout dans le monde, des rois et des princes, mais ils servent ici de faire-valoir, dont l'utilité est surtout de mettre en relief l'ascension du héros, et les aventures qui aboutissent à sa promotion sociale. Le modèle est ici plutôt le big man dont le règne s'appuie sur la possession des choses, que le roi divin dont le pouvoir dépend d'une vertu surnaturelle héritée de ses ancêtres. Peut-être doit-on cette configuration à l'histoire d'une société qui dès le XVIII^e siècle a été marquée en profondeur par le commerce de traite et la piraterie. En tout cas il n'est pas difficile aux conteurs et aux auditeurs de reconnaître dans ce modèle celui que poursuivent encore les ambitieux d'aujourd'hui.

Pourtant, le conte reste aussi un monde imaginaire, où les lois de notre monde ne s'appliquent pas toujours - et l'auditeur le sait aussi, à qui on annonce «Ce n'est pas moi qui mens, ce sont les grands d'autrefois».