Loin de la femme et près de Dieu

Tandis que, parturientes, mes sœurs et belle-sœur s'empressent vers la maternité, moi, c'est vers le palais épiscopal comme vers une paternité que je me hâte avec retard. On n'y enfante que des morts-nés.

Authentiques hermaphrodites, nous nous sommes ensemencés nous-mêmes en jouissant de notre propre et solitaire étreinte. - L'ample bure est notre robe de grossesse. - Triomphante est notre portée à laquelle le peuple de Dieu offre ses sièges, cède ses meilleures places et aplatit sa révérence contre les murs de notre passage.

Enceints de par nos propres œuvres, nous avons subi avec succès nos examens cliniques et nous nous sommes soumis assidûment à la gymnastique prénatale. - L'accouchement devrait se faire sans douleur. Comme langes nous disposons de l'aube et comme robe de baptême la chasuble. De l'autel comme berceau. Sous la voûte de la cathédrale nos premiers vagissements et nos pas chancelants émouvront la condescendance populaire.

Je me suis mis au monde le dernier dimanche de l'Avent 1943. Mes premières vraies douleurs se firent sentir la veille dans la chambre de l'hôtel où se trouve réunie, pour assister à l'heureuse délivrance, ma famille.

Il ne me fut pas aisé de me projeter hors de moi-même ! Peut-être étais-je trop gras de mes répugnances, bourgeon trop vert pour éclater, trop raide pour les flexions, pas assez docile au gré de la mort qui m'offrait la vie !

Mes nausées sont fréquentes et douloureuses. Je pressens que je vais naître difforme, mongolien, avec un souffle au cœur. L'angoisse du terrifiant «trop tard» me torture au point que défaillant, je vomis. Que je suis donc malade !...