Lutter avec l'ange

Lutter avec l'ange

L'écriture est soeur de la soif. Elle est l'eau même, l'eau vive au ventre de la pierre. La petite source infidèle qui souvent tait son chant, mais qui subitement gonflée, miraculeuse, fend le rocher, le porte, le soulève. Langue brûlante, je cherche aux lèvres de la pierre la veine qui veut s'écrire et me relève de la mort. L'eau brillante, enfouie sous l'herbe des jours sans laquelle je meurs. Boire enfin. Boire ! À l'incendie qui me dévore. À l'inquiétude. La ferveur. L'inaccompli. Aux grands yeux du levant. Aux heures profondes quand on regagne après le soir le jardin au fond de soi. À l'humain brisé, incertain, démuni, qui m'épelle ma fragilité.

Souvent je tombe avant d'atteindre le puits. Je me débats contre un ennemi sans visage qui m'entraîne captive, poings liés, loin de mes eaux. Je roule dans la poussière. Je me relève, je résiste, sans distinguer les traits de celui qui m'est contraire. Est-ce le temps, le dévoreur ? Ou la vieille malédiction attachée aux pas de l'homme ? Saisie par la rage, je reprends le combat. Tout le jour, dans la bourrasque, je me plie au joug des besognes. Asservie, je ne me rends pas, je ne me résigne pas. Si je me résignais, je perdrais jusqu'au désir d'écrire. Jusqu'à ma soif. Je n'écrirais plus.