Mémoires de connard

J'avais un peu plus de quatre ans et je venais d'entrer à l'école. J'avais tout pour être heureux.

J'allais à l'école et on m'appelait par mon prénom : Marcel !

Dès que l'institutrice prononçait mon prénom, les quolibets fusaient des bouches cruelles des apprentis monstres qui m'entouraient.

Malgré la moquerie ambiante, j'étais follement content de m'entendre appeler par mon prénom : c'était une merveilleuse découverte. Jusque-là j'avais la conviction de m'appeler Connard.

À la maison, dans les prés par les belles journées d'été, dans la rue en présence de n'importe qui et même dans les rares réunions de famille, aussi loin que je me souvienne, dès que je prononçais un mot, une phrase, dès que je posais la moindre question et même quand je ne disais rien mais que j'osais un regard interrogateur, je recevais invariablement une énorme claque derrière la tête, accompagnée par la voix tonitruante de mon père : « Ta gueule, Connard ! »

C'est dans ce milieu grossier et ignare, où les usines ont fermé, où il ne reste que les exploitants agricoles prêts à tout pour assouvir leurs intérêts mesquins et sordides que grandira Marcel. L'amitié, puis l'amour de Marinette va lui faire prendre conscience de sa condition. Ensemble, ils nettoieront cette société immonde dans laquelle ils vivent et qu'ils haïssent.

Mais ne sont-ils pas des desesperados dont le destin tragique est scellé d'avance ?

Ecrit dans un style réaliste, empreint d'humour noir, ce roman est une étude sociologique fouillée des habitants de ces villages en déclin.