1936-1943

Cette édition en 3 volumes réunit l'ensemble des onze recueils qui constituent l'œuvre poétique de Charles Plisnier : il avait pris soin d'écarter lui-même de sa bibliographie les quelques plaquettes publiées avant sa vingt-cinquième année.

Moins célèbre que son œuvre romanesque, la poésie de l'auteur de Déluge a toute la richesse, les fulgurances et les complexités de l'homme lui-même. Elle n'a cessé d'être tout au long de son passage sur la terre la feuille de température de ce merveilleux aventurier de l'esprit qui cultiva toute sa vie "la faim sacrée de se surpasser" : elle fut le carnet de route permanent de son esprit et elle traduit le reflet exact et tourmenté de son itinéraire spirituel.

Ce troisième volume des œuvres poétiques complètes de Charles Plisnier réunit les trois derniers recueils de l'écrivain.

Périple articule ses sept chants autour du thème de la tentation du monde. Après avoir pris la mesure de son univers intérieur, le poète rêve de s'évader de cette prison. La terre entière s'offre à lui avec toutes ses séductions. Il part, sillonne les mers et les continents, mais il découvre que partout où il va, son pas ne traverse que lui-même. Périple, publié en 1936, alors que l'idée européenne n'était encore, dans l'esprit même de ses futurs promoteurs, qu'un rêve enfoui dans les brumes d'un avenir inconnaissable, contient quelques-uns des vers les plus émouvants qui aient été écrits sur l'Europe :

Europe, ô ma mère, toi qui m'as porté, toi que j'ai respirée...

Sacre résonne au premier abord comme la suite de Périple :

Tu es revenu du monde. Es-tu de toi revenu ?

Le poète contemple la route sur laquelle il a erré, aimé, souffert. Il accueille enfin une sorte de paix proche de la grâce :

Il m'a fallu trente-neuf ans pour accéder à ce silence où mon âme aujourd'hui descend.

Ave Genitrix, publié en Suisse en 1943, est le couronnement de la révélation annoncée dans Sacre. A l'horizon de sa vie, le poète voit se lever le visage de sa mère. Un dialogue s'engage entre ce vivant blessé et cette morte très vivante qui l'adjure de faire confiance à Dieu.

Plein comme un chant, nu comme un cri, ce poème encore trop mal connu éclate d'un bout à l'autre de spiritualité et de douleur. Rarement, tant de simplicité s'est unie à tant de hauteur, tant de rigueur à tant de tendresse.