Orage sur les bruyères

L'énorme locomotive crachant ses panaches de fumée longeait le quai. A vitesse très réduite, elle passa devant la foule qui se bousculait, hurlait de joie et agitait des mouchoirs en tous sens. La bousculade était si grande que certaines personnes faillirent tomber sur la voie. Heureusement, les autorités de Tulle avaient prévu un service d'ordre conséquent, et les accidents furent évités.

Durant quelques mètres encore, le train continua d'avancer. Il stoppa mais il y eut deux ou trois secousses avant qu'il fût tout à fait immobilisé. Alors, dominant le vacarme qui régnait dans la gare, un haut-parleur fit entendre le nom de chaque rapatrié qui mettait le pied sur le quai. Au fur et à mesure que s'égrenaient les noms, la Guitou se contractait. Alors que le rythme de son coeur atteignait un niveau inquiétant, l'annonce libératrice retentit : - Vaysse Antoine.

Victime d'un usurier, Antoine Vaysse, paysan du hameau de Cueille, dans la commune de Naves, n'avait dû son salut qu'à la générosité de Monsieur et Madame Lacoste, les châtelains, auprès desquels était intervenu le bon curé Vanan. Jalousé par le régisseur du domaine. Antoine Vaysse avait réussi à prouver sa bonne foi. Mais la guerre était arrivée. Il partit et fut fait prisonnier. Sa femme et ses enfants restèrent en Corrèze, face à une armée d'Occupation de plus en plus féroce au fur et à mesure des progrès de la Résistance...