Page blanche

«La page était blanche. Laiteuse et éclatante de vérité lorsque le sommeil tentait d'emporter la petite fille. Lisse et aveuglante par sa réalité lorsque la vue se pâmait en ses contrées favorites.

La page blanche était vierge et respirait la fraîcheur. La fillette l'effleura de la pensée, afin de ne pas lui dérober son âme. La frénésie qui s'était installée en elle s'évanouit et céda sa place au silence. La caresse de la main posée sur le rectangle blanc dégageait une chaleur discrète. La page blanche ne se détacha pas de la surface noire. Il restait du chemin à parcourir ; pour la fillette, comme pour sa page.»

Lecteur paresseux s'abstenir. Page blanche ne s'aborde pas comme un roman de vacances ou un récit d'aventures. Tous les paramètres du réel y sont transfigurés : le temps, l'espace, la vie même deviennent une énigme à déchiffrer, un mystère qui ne se révèle pas si facilement. Une enfant et une vieille femme se côtoient sans vraiment se rencontrer ; et pourtant... leur secret sera livré par un «je» aussi énigmatique que surprenant. Le temps, l'espace, tout se dilate dans l'univers accueillant et un peu inquiétant de la page blanche. Hier et demain servent à construire un aujourd'hui que l'écriture semble observer de loin, moqueuse et tendre à la fois envers des personnages un peu paumés qui vont finir par se trouver de manière inattendue.

Lecteur paresseux s'abstenir. Car il est parfois plus difficile de lire en soi-même que dans les pages d'un livre.