Parole calcinée

Jean-François Schmitt est présent aux Cahiers Bleus depuis déjà longtemps, ce fut très peu après son suicide de 1984 qui mit un terme trop précoce à son parcours temporel : cette présence fut le fait de Jean-Christophe, son frère, qui me confia au tout début de 1985 deux de ses propres recueils, Premier Séjour précédé du Lys et la tourmente, ce dernier n'étant qu'une sorte de prosopopée, chant d'adieu d'un jeune homme à un autre jeune homme dont on sent bien qu'il tint dans la vie du «chanteur-pleureur» une place transformée en gouffre par la mort. «De ton visage absent, disait-il alors, / Je m'absente à mon tour / Car tel est le jeu / Qui nous confie la mort / Et nous parle d'amour». René Char, à qui Jean-Christophe avait alors envoyé son livre, lui écrivit : «Si vous vous trouviez devant moi, je prendrais vos deux mains comme un temps sans fin, nous parlerions ou non de Jean-François, ou nous ferions silence. Le sentiment ne changerait guère, ni le mal ressenti, ni la silhouette du boxeur sur l'eau qui poursuit en vain la consolation naine...»