Mérimée ou Le faux cynique

Prosper Mérimée (1803-1870) ne manque pas de biographes. S'ils n'ont pas toujours ajouté à sa notoriété, ils n'ont pu trahir sa mémoire tant la vie de l'écrivain est transparente : en témoignent les 7000 lettres de sa correspondance. Nombre de ses biographes n'ont pas jugé nécessaire de le contextualiser, d'autres ne se sont intéressés qu'à son oeuvre littéraire ou ont forgé son effigie de sauveur du patrimoine sans saisir l'homme et son environnement politique et culturel. Mérimée en réhabilitant le patrimoine national, incarne une mise en valeur de la civilisation européenne et de son rayonnement universel.

Le mérite de cette biographie est de relier le génie d'un homme à l'exubérance de son époque. Jean-Paul Charbonneau, fidèle en cela à ses précédents ouvrages, s'intéresse à ces personnages suffisamment brillants pour briguer tous les honneurs, y compris « l'immortalité » de l'Académie française, mais assez prudents pour éviter de se brûler les ailes au contact du pouvoir. Ces hommes, méconnus dans leur discrète proximité avec les puissants, sont des témoins privilégiés de leur temps. Mérimée est de ceux-là. Lui, comblé d'honneur et intime de l'impératrice Eugénie, put et sut parler à l'oreille de l'empereur et accomplir auprès de lui et avec lui ses multiples tâches, entamées en 1830, de grand serviteur de l'Etat.