Saül

Après avoir fait une entrée fracassante dans le monde des Lettres en 1628 comme l'un de ces jeunes dramaturges «irréguliers» qui cherchaient à abattre le genre «ancien» de la tragédie, Du Ryer a rapidement confirmé qu'il était l'un des poètes de théâtre les plus doués de sa génération, auteur notamment, avec Cléomédon, d'une des plus belles tragi-comédies de son temps. Converti ensuite à la tragédie régulière, en même temps que la plupart de ses confrères, il a donné plusieurs pièces remarquables, Lucrèce, Alcionée, Saül, Scévole, qui ne le cèdent qu'aux seuls chefs-d'oeuvre de Corneille et rivalisent avec les plus belles pièces de Rotrou.

Représenté vers 1639-1640 et publié en 1642, Saül constitue une contribution capitale au renouveau de la tragédie entrepris depuis 1634: la tragédie légendaire et la tragédie historique (romaine) étaient rejointes par la tragédie biblique. La remarquable réussite que constitue cette première tragédie biblique «classique» a ouvert la voie non seulement à une très belle Esther composée par Du Ryer lui-même, mais au courant de la tragédie chrétienne particulièrement illustrée par le Polyeucte de Corneille.

Mais Saül ne vaut pas seulement par sa place dans la carrière de Du Ryer ou dans l'histoire du théâtre français du XVII^e siècle. Du Ryer a su tirer du récit biblique la matière d'une vraie tragédie moderne, et a composé une pièce sombre et magnifique, qui mêle de façon étonnante concentration «classique» et échappées «baroques».