Tu n'es pas encore prêt pour ton jour de chance en enfer

S'il me fallait situer Emmanuel Lequeux dans une parenté littéraire, il côtoierait ces grands aventuriers du verbe que furent Walt Whitman et Blaise Cendrars dont, très jeune il se sentit proche. Lui-même par ailleurs reconnaît avoir été marqué par le libre vibrato des jeunes poètes américains, notamment par Allen Ginsberg. A leur exemple, Emmanuel Lequeux ouvre grand sur la vie portes et fenêtres. La poésie avec lui ne sent plus le renfermé et, sous sa plume, ne croupissent jamais les remugles soporifiques du non dit.

Usant de mots simples dans une langue parfaitement maîtrisée que chacun peut entendre, le poète de "Tu n'es pas encore prêt pour ton jour de chance en enfer" ne parle pas pour autant au nom de tous. C'est à chacun de nous qu'il s'adresse, sans forfanterie et sans prêchi-prêcha. Sa ferveur créatrice naît du quotidien, de la vie quotidienne. Et ce quotidien transfiguré nous agrippe, nous étreint, nous entraîne dans les plongées vertigineuses d'une quête sans concession.

C'est par là que son chant nous touche. Nous nous sentons concernés par ses révoltes, ses espoirs, ses interrogations et même par son humour d'une féroce tendresse. Jamais nous n'avons affaire à une statue verbeuse et pontifiante, mais à un poète de trente ans qui sait ce que chanter au plus haut veut dire.

Jean Laugier