Fiche technique
Format : Broché
Nb de pages : 95 pages
Poids : 400 g
Dimensions : 25cm X 20cm
EAN : 9782915261059
Une balade nervalienne à Saint-Germain-en-Laye
Quatrième de couverture
FEUILLETON DE L'INDUSTRIEL
DU 3 FÉVRIER 1835.
NÉCROLOGIE. - POÉSIE. - BIBLIOGRAPHIE.
GÉRARD DE NERVAL.
Tout Paris littéraire est depuis quelques jours sous l'impression d'une profonde et poignante tristesse. Un poète ravissant, un auteur dont tous les ouvrages étaient marqués au coin de l'élégance et empreints d'une douce et mélancolique rêverie, vient d'être enlevé aux lettres françaises et à ses amis d'une façon pénible, misérable et mystérieuse.
Bon, sensible, niais constamment rêveur et pensant peu, beaucoup trop peu, au positif de la vie, Gérard de Nerval vivait de pensées et de poésie, comme les abeilles des fleurs, sans préoccupation de la veille, sans souci du lendemain : un jour, au Caire, un mois après, en Allemagne, puis revenant à ce grand centre qu'on appelle Paris, toujours sûr d'y rencontrer des amis prêt à lui tendre la main.
De celle bonne nature, de ce cerveau exalté pour ne pas dire dérangé, s'échappaient les idées les plus fraîches, les plus suaves, les appréciations les plus nettes et les récits les plus piquants, de sa vie nomade. C'est ainsi qu'on lui doit successivement :
Le Voyage en Orient, les Illuminés, Lorely, les Filles du feu. Leo Burkart, les Petits Châteaux de Bohême, Aurélie ou La Vie et le Rêve, commencée dans la Revue de Paris.
Au mois d'octobre dernier, un homme à l'extérieur simple, affable, venait visiter l'atelier du propriétaire de l'Industriel, puis il lui proposait de se charger de l'impression d'un nouvel ouvrage qu'il comptait intituler Juvenilia, en souvenir des premières et bonnes années de sa vie. C'était Gérard, qui revint quelques fois encore, puis écrivit pour donner ses instructions, et puis ne revint plus... C'est que, par une de ces dernières nuits si froides et si longues, il s'est passé, dans une des ruelles encore debout du vieux Paris, un de ces drames qui ensanglantaient jadis aussi les nuits du vieux Paris ; c'est que les échos de ces sombres quartiers ont encore répété un des cris d'agonie qu'entendait seul le guetteur de nuit, et qui faisait hâter le pas au bourgeois attardé. Jeudi, vers sept heures du matin, un gardien de Paris trouvait suspendu aux barreaux extérieurs d'une masure, rue de la Vieille-Lanterne, le corps d'un homme, sans papiers, sans indices.
Transporté sur les funèbres dalles, il a été reconnu par ses amis : c'était le poète, l'écrivain aimé, Gérard de Nerval, dont l'âme avait regagné le séjour de ses chères extases.
Le pauvre insensé s'est-il donné la mort dans cet infâme carrefour ? a-t-il été la victime des habitants douteux qui s'y cachent le jour pour en sortir la nuit ? Là est la question. Est-ce un suicide ? est-ce le résultat d'un crime ? Cette dernière version nous attire volontiers, et nous aimerions à pouvoir y croire. Le mort avait dans sa poche son dernier ouvrage, qu'il avait appelé Voyage de ... A nous, il nous reste, avec le souvenir des douces émotions que nous lui avons ducs, quelques lettres, autographes précieux maintenant, et des épreuves corrigies par lui des premières feuilles de ses Juvenilia, où devait se retronser la fin de cette Aurèlie, étonnante production, dont la première partie avait si vivement impressionné les lecteurs de la Revus de Paris.
LÉON DE VILLETTE
L'Industriel de Saint-Germain du 3 février 1855