Vers les îles des épices

En retraçant le rôle des épices pendant les siècles du Bas Moyen-Âge et le début de l'Âge Moderne, ce sont les comptes rendus rédigés par les marchands, les voyageurs, les géographes, les chroniqueurs et les officiers qui s'avèrent particulièrement pertinents comme principaux éléments d'interprétation.

L'attention pour ces sources est motivée non seulement par l'origine géographique variée des auteurs examinés, mais aussi par la description exhaustive qu'ils offrent de la période allant du monopole exercé sur les mers orientales par les commerçants musulmans, jusqu'au déferlement et à l'affirmation des forces navales portugaises. Parmi ces auteurs, on peut notamment mentionner le natif de Ceuta al-Idrîsî, le persan Abd-Errazzak, les chinois Ma Huan et Fei Xin, les portugais João de Barros et Duarte Barbosa, le flamand Eustache de la Fosse, le bolognais Lodovico de Varthema. Une importance particulière revient en outre à l'ouvrage de l'inspecteur chinois des douanes Chau Ju-kua. Par sa spécificité et par l'ampleur de son analyse, ce texte constitue une sorte de guide géographique et botanique de l'univers des « marchandises spéciales » (du latin species) qui est resté longtemps inaltéré.

Tous les récits insistent sur les mêmes produits (l'aloès de l'île de Socotra, l'encens de l'Arabie, le poivre de l'Inde, la cannelle de Ceylan, le camphre du Bornéo, les clous de girofle et la noix muscade des archipels des Moluques et des Banda... pour n'en citer que quelques-uns) et ils ramènent à cet univers complexe des épices auquel s'ajoute, au-delà de toute activité propre à l'existence ordinaire des gens, une fascination indéfinissable pour le bien-être physique et psychique qu'on croit induit par l'emploi de ces produits.