Vision du visage

Amour tremblé terrible et solennel étreinte parvenue aux confins de la vie ma bouche a proclamé en sa folie une suite inconnue

Elle a jailli de ma prochaine mort où céderont les clous où rouleront les rocs où les linceuls pliés garderont la lumière de la chair redonnée à la splendeur première

Vous poussières métamorphosez-vous

puisque le temps comme un serpent s'enroulera dormant dans les escarpements de l'univers fini

nous voici

coeur à coeur

visage pour visage

Vision du Visage , d'Elisabeth Launay-Dolet, est une tentative d'évocation de la figure d'une grand-mère polonaise, venue en France dans les années 20 pour y travailler, et presque aussitôt effacée par l'Histoire.

Provoqué par le choc de la découverte tardive des origines, le dialogue à une voix ainsi hasardé avec une grand-mère quasiment inconnue, la tendre quête d'un visage à aimer dans l'épaisseur du temps, puise sa nécessité dans le devoir de mémoire envers l'Histoire collective, et la piété filiale à l'égard de l'histoire familiale et individuelle. La sincérité des sentiments s'accompagne d'une parfaite dignité dans l'expression : pas de grandiloquence, mais de la mesure, de la justesse dans le ton et le rythme.

Grâce à la pudeur du dire, l'image de ce visage perdu dans le passé réapparaît, lumineusement estompé, comme un lointain vague et pourtant magnétique, dans la respectueuse délicatesse d'une évocation émue et sobre.

J. H.